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En remontant le fleuve

en remontant le fleuve au-delà des rapides
au-delà des falaises accrochées sur le vide
où la faune & la flore jouent avec les langueurs
de la nuit qui s’étale ivre de sa moiteur
en remontant le fleuve où d’étranges présences
invisibles nous guettent & murmurent en silence
où sales & fatigués sous les ombres englouties
nous fixons les lueurs d’un faux jour qui s’enfuit
en remontant le fleuve

en remontant le fleuve au-delà des rapides
au-delà des clameurs & des foules insipides
où nos corps épuisés sous la mousse espagnole
ressemblent aux marbres usés brisés des nécropoles
où nautoniers des brumes dans l’odeur sulfureuse
des moisissures d’épaves aigres & marécageuses
nous conduisons nos âmes aux frontières du chaos
vers la clarté confuse de notre ultime écho
en remontant le fleuve

en remontant le fleuve au-delà des rapides
au-delà des aveux de nos désirs avides
jusqu’au berceau final sous les vanilles en fleurs
jusqu’à l’extrême arcane, jusqu’à l’ultime peur
en remontant le fleuve vers cette éternité
où les dieux s’encanaillent en nous voyant pleurer
où les stryges en colère au sourire arrogant
manipulent les rostres de notre inconscient
en remontant le fleuve

en remontant le fleuve au-delà des rapides
au-delà des remous de nos sanglots stupides
où cruels & lugubres au bout des répugnances
nous fuyons les brouillards gris de notre impuissance
vers les feux de nos doutes, jusqu’au dernier mensonge
dans la complexité sinistre de nos songes
où de furieux miroirs nous balancent en cadence
la somptueuse noirceur de nos âmes en souffrance
en remontant le fleuve

Paroles & Musique : Hubert Félix Thiéfaine

Angélus

je te salue seigneur du fond de l’inutile
à travers la tendresse de mes cauchemars d’enfant
le calme désespoir de mon bonheur tranquille
& la sérénité de mon joyeux néant

& je m’en vais ce soir, paisible & silencieux
au bras de la première beauté vierge tombée des cieux
oui je m’en vais ce soir, paisible & silencieux
au bras de la première beauté vierge tombée des cieux
oui je m’en vais ce soir…

pendant que mes ennemis amnistient leurs consciences
que mes anciens amis font tomber leurs sentences
les citoyens frigides tremblent dans leurs cervelles
quand les clochards lucides retournent à leurs poubelles

& je m’en vais ce soir, paisible & silencieux
au bras de la première beauté vierge tombée des cieux
oui je m’en vais ce soir, paisible & silencieux
au bras de la première beauté vierge tombée des cieux
oui je m’en vais ce soir…

je te salue seigneur du fond de tes abîmes
de tes clochers trompeurs, de tes églises vides
je suis ton cœur blessé, le fruit de ta déprime
je suis ton assassin, je suis ton déicide

& je m’en vais ce soir, paisible & silencieux
au bras de la première beauté vierge tombée des cieux
oui je m’en vais ce soir, paisible & silencieux
au bras de la première beauté vierge tombée des cieux
oui je m’en vais ce soir…

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Yan Péchin

Fenêtre sur désert

derrière les buissons d’amarante
qui roulent sous le vent du désert
je vois des ombres lancinantes
qui rôdent affreuses & solitaires
des ombres ailées sous la grande ourse
du temps des étés délétères
où je jouais les garçons de courses
au service de tes jeux pervers

souvenirs de baisers volés
de cercles vicieux infernaux
de lèvres au goût d’herbe mouillée
& de démons à fleur de peau
… à fleur de peau

je me revois rêveur errant
riant au milieu des pourceaux
à qui tu jetais tes diamants
tes perles & tes vade retro
pour toi j’ai dansé chez les faunes
les baltringues & les souffreteux
& j’ai brûlé ma couche d’ozone
en voulant traverser tes yeux

souvenirs de baisers volés
de cercles vicieux infernaux
de lèvres au goût d’herbe mouillée
& de démons à fleur de peau
… à fleur de peau

je me gare plus en double file
devant l’hôtel des vieux amants
& l’on me ramène à l’asile
après avis d’internement
j’écoute les jours qui s’enfuient
dans les eaux noires d’un lit glacé
j’ai trop traîné devant tes nuits
dont les portes m’étaient fermées

souvenirs de baisers volés
de cercles vicieux infernaux
de lèvres au goût d’herbe mouillée
& de démons à fleur de peau
… à fleur de peau

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Arman Méliès

Stratégie de l'inespoir

je croise des soleils aux ardeurs érotiques
avec des cris perdus sur des sourires de femmes
bercé par les étoiles d’une essence romantique
j’ai trop longtemps cherché mes visions dans les flammes
je veux brûler pour toi petite
je veux brûler pour toi

la vitesse de la lune autour de nos orbites
n’arrête pas les sanglots froids de l’humanité
& l’œil désespéré dans son triangle en kit
semble soudain jaloux de nos fiévreux baisers
je veux brûler pour toi petite
je veux brûler pour toi

je veux brûler pour toi petite
mais gâche pas mon enfer avec ton paradis
je veux brûler pour toi petite
mais lâche pas tes prières sur mes cris hypocrites

d’aucuns me disent rebelle & d’autres ignifugé
mais mes divagations n’emmerdent plus personne
je caresse mon corbeau en chantant duruflé
& joue pour les voyous virés de la sorbonne
je veux brûler pour toi petite
je veux brûler pour toi

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Pierre Le Feuvre & Jean-François Péculier

Karaganda (Camp 99)

des visages incolores, des voyageurs abstraits
des passagers perdus, des émigrants inquiets
qui marchent lentement à travers nos regrets
nos futurs enchaînés, nos rêves insatisfaits
fantômes aux danses astrales, aux rhapsodiques pleurs
visages camés bleuis graffités par la peur
qui marchent lentement vers l’incinérateur
vers la métallurgie des génies prédateurs

c’est l’histoire assassine qui rougit sous nos pas
c’est la voix de staline, c’est le rire de béria
c’est la rime racoleuse d’aragon & d’elsa
c’est le cri des enfants morts à karaganda

brumes noires sur l’occident, murmures de rêves confus
barbares ivres de sang, vampires au cœur fondu
qui marchent lentement au bord des avenues
des mondes agonisants, des déserts corrompus
ça sent la chair fétide, le rat décérébré
le module androïde, le paradoxe usé
le spectre de mutant au cerveau trafiqué
qui marche en militant sur nos crânes irradiés

c’est l’histoire assassine qui rougit sous nos pas
c’est la voix de staline, c’est le rire de béria
c’est la rime racoleuse d’aragon & d’elsa
c’est le cri des enfants morts à karaganda

des visages incolores, des voyageurs abstraits
des passagers perdus, des émigrants inquiets
qui marchent lentement à travers nos regrets
nos futurs enchaînés, nos rêves insatisfaits
peuples gores & peineux aux pensées anomiques
nations mornes & fangeuses, esclaves anachroniques
qui marchent lentement sous l’insulte & la trique
des tribuns revenus de la nuit soviétique

c’est l’histoire assassine qui rougit sous nos pas
c’est la voix de staline, c’est le rire de béria
c’est la rime racoleuse d’aragon & d’elsa
c’est le cri des enfants morts à karaganda

Paroles & Musique : Hubert Félix Thiéfaine

Mytilène Island

elles se caressent en m’ignorant
moi qui les mate en me noyant
elles sont si belles & si troublantes
si profondément émouvantes

sous l’œil de la lune en épure
leur ombre au bord de la piscine
ondule avec leurs chevelures
brûlant d’une féerie libertine
leurs lèvres tremblent & se bousculent
dans un grave & léger baiser
tandis que leurs doigts manipulent
la soie de leurs seins dégrafés

elles se caressent en m’ignorant
moi qui les mate en me noyant
elles sont si belles & si troublantes
si profondément émouvantes

une main sur le ventre de l’autre
elles goûtent au satin de leur peau
sans que leurs désirs ne se sauvent
ne se perdent au bout de leurs mots
elles ont la grâce & l’élégance
fragile de la peinture flamande
& je contemple le silence
des nuits de mytilène island

elles se caressent en m’ignorant
moi qui les mate en me noyant
elles sont si belles & si troublantes
si profondément émouvantes

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Jeanne Cherhal

Résilience zéro

ma mémoire joue sur les reflets
des étoiles mortes au firmament
des regards aveugles & muets
dans l’immobilité du temps
l’aubépine se prend pour la rose
& l’idiot devient président
les naïades se métamorphosent
mais le passé reste au présent

on n’oublie jamais
nos secrets d’enfant
on n’oublie jamais
nos violents tourments
l’instituteur qui nous coursait
sa blouse tachée de sang
on n’oublie jamais
nos secrets d’enfant

les lueurs des rêves enfantins
dans leur transparence édulcorent
les derniers soleils du matin
sur les frissons bleus de nos corps
c’est le lent crépuscule d’automne
sous la pluie des mortes saisons
c’est la cloche des lundis qui sonne
les heures de la désolation

on n’oublie jamais
nos secrets d’enfant
on n’oublie jamais
nos violents tourments
l’instituteur qui nous coursait
sa blouse tachée de sang
on n’oublie jamais
nos secrets d’enfant

au commencement était le verbe
intransitif & déroutant
venu des profondeurs acerbes
& noires des garderies d’enfants
les rugissements de l’univers
dans les cours de récréation
écorchaient les pieds de mes vers
boiteux sous les humiliations

on n’oublie jamais les secrets
on n’oublie jamais les tourments
l’instituteur qui nous coursait
sa blouse tachée de sang…
on n’oublie jamais les secrets
on n’oublie jamais les tourments
l’instituteur qui nous coursait
sa blouse tachée de sang !

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Arman Méliès

Lubies sentimentales

son sourire est si mystérieux
quand elle exorcise mes regrets
à l’heure où s’éteignent ses yeux
chargés d’impalpables secrets
ses lèvres aux discours silencieux
ses larmes aux langueurs enfantines
son regard inquiet qui s’émeut
d’un poème aux rimes androgynes

dans le jasmin de ses cheveux
où se dénouent mes doigts fébriles
je m’enivre au voluptueux
parfum de son âme indocile
son rire agite les girandoles
d’un feu d’artifice étonnant
mes lèvres sur les aréoles
de ses seins aux dessins troublants

flamboyante ivresse de mes jours
fulgurante astrée de mes nuits
délicieuse hôtesse au long cours
qui m’éclaire & qui m’éblouit
déesse de mes gravures anciennes
fille de mes équations païennes
ange quantique & démon fatal
de mes lubies sentimentales

lorsque son souffle accéléré
me dévoile dans un murmure
le charme des verbes oubliés
sous les mailles de mon armure
ses jeux inédits, ses baisers
magnifient sa beauté rebelle
quand elle pleure dans l’intimité
souriante de ses dentelles

flamboyante ivresse de mes jours
fulgurante astrée de mes nuits
délicieuse hôtesse au long cours
qui m’éclaire & qui m’éblouit
déesse de mes gravures anciennes
fille de mes équations païennes
ange quantique & démon fatal
de mes lubies sentimentales

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Cali

Amour désaffecté

les chevaux sont partis courir
là-bas au pied de l’arc-en-ciel
ils emportent le souvenir
de nos baisers chargés de fiel
les chevaux sont partis courir
je crois que je vais faire pareil

la rouille fait grincer les couleurs
dans le matin à contre-jour
nos regards en apesanteur
fixent le point de non-retour
la rouille fait grincer les couleurs
& bloque les issues de secours

c’est juste la fin maintenant
d’une histoire qui tombe en poussière
c’est juste la fin maintenant
d’un amour sinistre & désert

inutile de nous retourner
sur les raisons de nos mensonges
de nos certitudes incrustées
au plus profond creux de nos songes
inutile de nous retourner
sur le mal caché qui nous ronge

c’est juste la fin maintenant
d’une histoire qui tombe en poussière
c’est juste la fin maintenant
d’un amour sinistre & désert
c’est juste la fin maintenant
d’une histoire qui tombe en poussière
c’est juste la fin maintenant
… juste la fin maintenant

les chevaux sont partis courir
là-bas au pied de l’arc-en-ciel
les chevaux sont partis courir
je crois que je vais faire pareil…

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : JP Nataf

Médiocratie...

question gun & mâchicoulis
un GI vaut 2000 hoplites
mais au rayon philosophie
on est resté chez démocrite
on joue les chasseurs d’arc-en-ciel
meublés chez stark & compagnie
mais on sort d’un vieux logiciel
made in néanderthal city

médiocratie… médiacrité !
frères humains dans nos quartiers
ça manque un peu d’humanité
médiocratie… médiacrité !
ça manque un peu de verbe aimer
de respect, de fraternité
médiocratie… médiacrité !

dans le grand jeu des anonymes
la fiction s’adoube au virtuel
on s’additionne, on tchate, on frime
& l’on se soustrait au réel
baisés grave & manipulés
devant nos écrans de facebook
on n’a qu’un pseudo pour rêver
& s’inventer un autre look

médiocratie… médiacrité !
frères humains dans nos quartiers
ça manque un peu d’humanité
médiocratie… médiacrité !
ça manque un peu de verbe aimer
de respect, de fraternité
médiocratie… médiacrité !
frères humains, frangins damnés
sous la plage y a les pavés
médiocratie… médiacrité !
des pavés bien intentionnés
pour un enfer climatisé
médiocratie… médiacrité !

devant toutes ces news qui nous soûlent
ces flashs qui nous anesthésient
DJ god a perdu la boule
& mixe à l’envers nos envies
devons-nous croire à un réveil
dans l’au-delà des jours fériés
avec la photo du soleil
brillant sur nos calendriers ?

médiocratie… médiacrité !
frères humains dans nos quartiers
ça manque un peu d’humanité
médiocratie… médiacrité !
ça manque un peu de verbe aimer
de respect, de fraternité
médiocratie… médiacrité !

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Mathieu Monnaert

Retour à Célingrad

débris d’hélices carbonisées…
bruits des mots brûlés au phosphore…
guignols & féeries vitrifiés
sur la butte à l’heure où ça mord…
oberflicführer dans la danse…
bignolles en transe… valsez, gamètes !…
rastaquouères de la survivance
qui frappent le bulleux dans sa tête !…

pristis ! grabataires & fienteux !…
navadavouilles & ragoteux !…
gadouilleux caves ! morues en rade !…
nous v’là de retour à célingrad !…

gibbons motorisés tout naves
dans les rues de sigmaringen…
d’un château l’autre un port d’épaves
bien germaneux hohenzollern…
on rote son âme… de profondis !…
dans les vapes des gaz hilarants…
la mort à crédit d’un clown triste
ça fait bander sartre & vaillant…

pristis grabataires & fienteux !…
navadavouilles & ragoteux !…
gadouilleux caves ! morues en rade !…
nous v’là de retour à célingrad !…

seigneur bébert du rigodon
c’est le temps de mettre à la vague…
le temps de voguer sur meudon
loin des cachots de copenhague…
on entend les sirènes au port…
& les hiboux du cimetière…
crève raisonneux ! j’veux pas qu’ma mort
me vienne des hommes & de leurs manières…

pristis grabataires & fienteux !…
navadavouilles & ragoteux !…
gadouilleux caves ! morues en rade !…
nous v’là de retour à célingrad !…

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Julien Perez

Toboggan

trafiquant de réminiscences
volées à des foules amnésiques
j’ai longtemps laissé ma conscience
vagabonder sur sa musique
les vents violents venus des villes
m’entraînent au cœur d’un ouragan
& déjà je suis dans la file
qui conduit vers le toboggan (bis)
je me souviens d’étoiles filantes
distordues dans mes galaxies
d’où j’appelais l’horloge parlante
pour avoir de la compagnie
les feux de mes nuits éphémères
tracent un point d’orgue sur mon chant
je n’suis qu’un escroc solitaire
un truand qui blanchit du vent
qui blanchit des mots & du vent
inutile, absurde & tremblant
dans l’ordre d’un destin troublant
j’écoute le souffle de l’instant
& l’accélération du temps
là-bas devant le toboggan (bis)
poursuivi par des vieilles rengaines
des mots d’amour, des mails transis
j’abandonne à la faune urbaine
les garanties de ma survie
les vents violents venus d’ailleurs
soufflent & sifflent en se lamentant
& maintenant devrais-je avoir peur
& fuir devant le toboggan ? (bis)

Paroles : Hubert Félix Thiéfaine
Musique : Hubert Félix Thiéfaine & Christopher Board